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23/02/21Comment les 33 skippers engagés sur le Vendée Globe préservent-ils leur santé ? Le Dr Jean-Yves Chauve, médecin de la course depuis l'origine, est disponible pour les skippers qui auraient des soucis de santé et besoin d'aide à distance. Chaque semaine, il traite dans un billet d'une thématique santé en partenariat avec la MACSF. Retrouvez les toutes ici jusqu'à l'arrivée du dernier concurrent.
Mon rôle, c'est d'être en veille 24 h/24 pendant toute la durée de la course. Il faut une réactivité immédiate car si un skipper appelle, c'est qu'il y a un problème important.
UN CHENAL EN FINAL
Chronique du 23/02/2021
« Après les interviews sur le ponton et avant la conférence de presse, pendant le temps de repos prévu pour retrouver les proches, j’ai une « fenêtre » d’accès au skipper. J’en profite pour faire un rapide bilan médical. Passage sur la balance. Les résultats sont très variables.
Contrairement aux appréhensions que nous avions avant le départ, il n’y a pas eu de graves lésions, type trauma crânien avec perte de connaissance. Pourtant, ce risque est omniprésent et extrêmement difficile à gérer. J’y ai beaucoup pensé pendant tous ces mois en tentant d’imaginer comment il serait possible de porter secours à une personne inconsciente, seule sur un voilier fragile au milieu de l’océan à plusieurs milliers de kilomètres de toute aide.
Les chutes ont été nombreuses, assorties de plaies et de bosses. Grâce aux formations obligatoires et aux produits disponibles dans la pharmacie, ces blessures ont été prises en charge correctement et beaucoup n’ont pas jugé utile d’en parler. Plus gênantes ont été les fractures de côtes. Ces traumas font partie des accidents classiques en mer. Cette année, plusieurs skippers ont eu à les subir. »
Aller plus loin avec la MACSF
La MACSF fait le parallèle avec les accidents les plus fréquents à l’hôpital et les moyens mis en œuvre pour diminuer les risque. Interview du Dr Thierry Houselstein, directeur médical MACSF.
DOUBLE VIE
Chronique du 17/02/2021
« 8 novembre. Ce jour-là, ils se sont dit au-revoir, un au-revoir jusqu’au fond des yeux, comme si cette plongée dans le regard de l’autre pouvait se prolonger dans ces mois d’absence. Ils sont 33 skippers à vivre cet instant où ils passent d’une vie de couple à celle de solitaire. La rupture affective est certes transitoire mais existe toujours, en filigrane, la crainte de l’accident à l’issue définitive. Ce sont les compagnes des skippers qui, en grande majorité, jouent ce rôle de confidente et d’assistante tout au long de ce projet de Vendée-Globe. C’est vers elles que vont ces quelques mots, mots qu’il faudrait aussi décliner au masculin, pour les compagnons présents aux côtés des six femmes qui se sont lancées dans l’aventure.
Elle sent à travers ses intonations, ses questions, ses réponses et ses silences, la fatigue, le manque de sommeil, le stress, le coup de blues. Au fond d’elle-même, elle pourrait se dire, tout ça pour en arriver là ? Tous ces efforts déployés ensemble depuis si longtemps pour cette lassitude, ce mal-être qui semble le ronger et lui enlever toute énergie ! Est-il heureux ? Prend-il vraiment du plaisir ? Elle se pose des questions.
Cette course est dure et dure aussi par sa durée. Il faut tenir. Elle se rend compte que le bateau exige tellement qu’il faut parfois aller arracher au fond de soi-même des ressources que l’on s’étonne d’avoir encore. »
AUTHENTIQUES
Chronique du 10/02/2021
« Parmi les « aides » citées, viennent en premier, les amphétamines et autres psychostimulants qui vont de la cocaïne au Modafinil. Leur intérêt pharmacologique est de masquer les besoins de sommeil. Ils sont utilisés dans des pathologies précises et font partie, évidemment, de la liste des produits interdits. Ils présentent de nombreux effets secondaires comme des étourdissements, une confusion mentale, des troubles visuels, des nausées, de l’hypertension et des troubles cardiaques. Les utiliser en mer et en solitaire serait une folie. Je ne connais pas de coureur au large digne de ce nom qui oserait prendre ce genre de risques. »
L'USURE QUI DURE
Chronique du 03/02/2021
« Depuis quelques jours, voire même quelques semaines, la lassitude s’est insinuée, discrètement et sans violence. En y réfléchissant, les premiers signes apparaissent le jour où l’on n’a pas réussi à se réveiller au bout des deux heures de sommeil. Ce matin-là, on se dit que dormir aussi longtemps sans perdre de vitesse est plutôt rassurant. Pourtant, cet échappement au rythme de la vie à bord doit être considéré comme une alerte plutôt qu’avec complaisance. D’autres signes sont tout aussi signifiants, comme l’heure des repas remplacé par des encas pris à la volée. Ces moments de relâchement s’ils restent incontrôlés ne sont pas sans conséquences. »
EN REVENIR
Chronique du 29/01/2021
« Premiers pas un peu gourds avec cette sensation fugace de déséquilibre que l’on appelle mal de terre. Vous avez du mal à marcher. Plus tard en vous déshabillant devant une glace, vous constaterez que les muscles de vos jambes ont fondu. On vous avait prévenu. La vie sur un Vendée-Globe est quasiment une vie de sédentaire, rien de désobligeant à le dire. La marche, c’est au mieux une trentaine de mètres, un aller-retour du cockpit à l’avant. Le reste du temps, le parcours se résume à quelques pas en enjambant la cloison qui sépare la cabine du cockpit. Et puis, pour éviter les chutes dans ce shaker géant, en dehors des manœuvres faites parfois à genoux, vous avez vécu assis, calé dans le siège spécialement adapté à vous. Par contre, vos épaules et vos bras ont pris du volume. Rien d’étonnant. Suffit de vous avoir vu ahaner sur les manivelles de winchs pour le comprendre. »
Aller plus loin avec la MACSF
Dans une course telle que le Vendée Globe, les risques physiques, des troubles musculo-squelettiques aux blessures, sont nombreux pour les skippers. On comprend donc tout l’enjeu d’une préparation physique adéquate. Le point avec Christophe Le Ny, professeur de Pilates, préparateur physique d’Isabelle Joschke.
SOLITAIRE ET SOLITUDE
Chronique du 20/01/2021
« Aujourd’hui, il y a profusion d’images et de sons. Mais il faudrait l’humidité, les chocs, le bruit, les dangers, le manque de sommeil, la vigilance permanente pour réellement comprendre cette vie solitaire autour du monde. En 1989, lors de la première édition du Vendée-Globe, on était très loin de cette proximité. A bord, il n’y avait ni téléphone, ni caméra, juste un poste de radio. Il fallait tendre l’oreille tellement la liaison était mauvaise, mais ces transmissions chargées d’interférences donnaient la mesure de l’éloignement, de la solitude et du danger. Sur le plan médical, rien à voir avec les télex de l’époque mettant plus d’un quart d’heure à transiter entre le bateau et la terre. Désormais, il y a, à bord, tous les moyens pour vivre la course en partage avec la terre. Une navigation en solitaire qui n’est plus vraiment en solitude. »
LA MÉTÉO ET L'ORDONNANCE
Chronique du 13/01/2021
« Depuis plusieurs semaines, il souffre de son coude. Il s’agit d’un hygroma, une inflammation des tissus sous-cutanés au niveau de l’articulation. Les antibiotiques n’ont pas réussi à juguler l’infection et ils commencent à manquer. Un abcès s’est constitué. C’est douloureux et très gênant. Il faut inciser. Après avoir été les yeux du médecin pour expliquer, les skippers en sont aussi les mains pour se soigner sur eux-mêmes. »
SALLE D'ATTENTE
Chronique du 06/01/2021
« Par Whats’App, il a envoyé une photo. Elle n’est pas très nette mais on distingue l’étendue et on devine la profondeur de la coupure. L’image confirme les mots de sa description. Il a su, à distance, être les yeux du médecin. Bravo. Ces images associées sont une aide substantielle pour évaluer la gravité d’un traumatisme.»
Parfois, c’est beaucoup plus grave : « Le film repasse en accéléré avec encore en mémoire, l’appel, les cris de douleur, de rage et de désespoir. Instantanément, je comprends. C’est grave, mais la souffrance est trop forte pour qu’il puisse l’expliquer. Je dois attendre qu’il se calme, même si je sais l’urgence de savoir. A travers l’impossibilité d’être à ses côtés pour le soutenir, j’imaginais combien sa solitude pouvait être immense. Difficile de trouver les mots pour faire avec lui le film de l’accident et en comprendre la mécanique. Pour entrer dans son univers bouleversé, j’avais dû poser des questions claires pour avoir des réponses simples, sans ambiguïtés. »
SANG FROID
Chronique du 30/12/2020
Avec une température de 2°C et un vent à 60 kilomètres/heure, la sensation de froid équivaut à -6° C. En général, car la résistance au froid n’est pas la même pour tout le monde. Elle est liée à notre patrimoine génétique. Tout est mouillé et glacé. Les gants sont trempés et les mains déjà froides. Au contact de l’eau, la chaleur du corps se disperse trente fois plus vite que dans l’air. Pour éviter que le refroidissement ne se propage en profondeur, l’organisme a une parade. Les vaisseaux de la peau rétrécissent, le sang reflue vers l’intérieur. Ce mécanisme n’a qu’un seul but : maintenir les organes vitaux au 37°C physiologique.
Ranger les écoutes, rapidement. Les doigts font mal. Ils sont blancs, raides et sans force, comme anesthésiés. La faute au manque de sang. Les remuer pour limiter les fourmillements, les crampes. Le déficit sanguin a d’autres conséquences : il fragilise la peau et l’expose aux blessures et aux crevasses. Pour naviguer dans ces latitudes hostiles et glaciales, le défi est simple et contradictoire: ne pas avoir froid aux yeux tout en gardant son sang froid.
DORMEURS DE HAUT NIVEAU
Chronique du 23/12/2020
Parmi les synchroniseurs du quotidien, la fameuse mélatonine. Avertie par l’œil de l’arrivée du crépuscule, l’horloge cérébrale déclenche sa sécrétion qui augmente jusqu’en milieu de la nuit. Son rôle : faire dormir. Si le corps prolonge l’éveil jusqu’à très tard, par choix ou par nécessité, la conséquence est une baisse de vigilance et des inattentions pouvant provoquer des catastrophes. Les skippers du Vendée-Globe subissent une autre contrainte. Naviguant vers l’Est, ils avancent contre le temps. Chaque jour, leur journée se termine plus tôt. Un décalage horaire qui se calcule. Par 50° sud, la largeur d’un fuseau horaire est d’environ 560 milles. A 16 nœuds de moyenne, ils en parcourent tous les jours environ 380. Pour rester en phase avec le soleil et y accorder leur horloge interne, ils doivent avancer leur montre d’une quarantaine de minutes tous les jours. Sportifs de haut niveau, ils le sont. Dormeurs de haut niveau, ils doivent l’être aussi.
Aller plus loin avec la MACSF
La MACSF fait le parallèle avec le manque de sommeil des soignants faisant des gardes ou des interventions de nuit. Une baisse de la vigilance qui peut avoir des impacts en termes de sécurité des soins mais aussi de risque médical. Le point avec le Dr Thierry Houselstein, directeur médical MACSF.
BÊTE DE SOMME
Chronique du 16/12/2020
Pour les skippers, le sommeil quotidien se divise en 3 ou 4 cycles, plutôt la nuit que le jour. 5 à 6 heures en tout, au mieux. Cette durée permet de tenir longtemps sans perte de vigilance.
Mais parfois, les conditions sont plus préoccupantes. Alors l’organisme, fatigué, s’adapte et joue les apnéistes du sommeil : descente verticale vers le stade profond pour y rester une dizaine de minutes voire plus, puis remontée rapide vers l’éveil. Un peu court pour bien récupérer physiquement et pour rêver. Cette sieste, dont la durée oscille entre 10 et 40 minutes, favorise surtout les processus de mémorisation. Elle se vit seulement en situation de stress et de manque de sommeil. Impossible de s’y entraîner en dehors de ces conditions.
Aller plus loin avec la MACSF
Tout comme les navigateurs, les professionnels de santé travaillant de nuit doivent récupérer pour maintenir leur vigilance. La MACSF a interviewé le Dr François Duforez, médecin du sport et du sommeil à l’Hôtel Dieu et directeur de l’institut European Sleep Center, pour recueillir ses conseils.
A l'ECOUTE
Chronique du 09/12/2020
Imaginez les trépidations de la coque qui rebondit sur les vagues, l’eau qui explose sur le pont, des ondes de choc violentes, imprévisibles. Des bings et des bangs qui vous martèlent la tête et se répercutent jusqu’au plus profond du corps. Ils sont amplifiés par la rigidité de la coque en carbone qui fait caisse de résonance. Parfois les déflagrations dépassent 120 décibels. 120 décibels c’est le bruit tout à côté d’un marteau-piqueur ou d’un Airbus au décollage.
Focus sur le bruit à bord des IMOCA. Vous imaginez le calme du bateau qui glisse sur la mer ? Il n'en est rien ! Le Dr Chauve vous transporte à bord et explique comment les skippers parviennent malgré tout à récupérer tout en gardant l’inconscient en veille.
ARSENAL DE SOINS
Chronique du 03/12/2020
Quand la vie est en danger, l’organisme est capable de mettre en jeu des ressources dont on ignore même l’existence. Cette force vitale, nous l’avons tous, blottie au plus profond de notre cerveau. Elle porte un nom : hypothalamus. Boosté par le surplus d’oxygène et d’énergie apportés par le sang, le cerveau fonctionne à 200 % pour prendre, sans réfléchir, les décisions les mieux adaptées.
Le Dr Chauve fait le point sur le réflexe de survie, la pharmacie de bord embarquée et la formation médicale que tous les skippers du Vendée Globe ont suivie pour pouvoir faire face à un éventuel accident.
Aller plus loin avec la MACSF
Quels sont les gestes de premiers secours à connaître en cas de choc, de brûlure, de malaise ou de traumatisme important quand on est seul(e) sur son bateau, au beau milieu de l’océan ? Pour se préparer aux éventuels accidents qui pourraient survenir lors de sa course, Isabelle Joschke a suivi une formation spécifique, avant de s’élancer à l’assaut de son tour du monde en solitaire.
RENDEZ-VOUS
Chronique du 25/11/2020
Il en faut de l’énergie, non seulement pour les manœuvres mais aussi tout simplement pour tenir debout. Des mesures ont été faites. Par mer agitée, la consommation d’énergie mentale et physique pour rester vertical peut avoisiner 1000 calories. Autant à ajouter à la ration calorique journalière. Rien d’étonnant à ce que l’on mange plus en mer qu’à terre. Dans les mers chaudes, un régime à 3500 calories doit suffire, mais à proximité des icebergs, 5000 calories seront la base.
Aller plus loin avec la MACSF
Qu’en est-il pour les professionnels de santé qui peuvent avoir des journées de travail très longues et très intenses ? La MACSF a demandé des conseils à Alice Bellicha, diététicienne-nutritionniste, chercheure au laboratoire NutriOmique (INSERM, Sorbonne Université) et enseignante à l’université de Paris-Est Créteil.
L'EAU A LA BOUCHE
Chronique du 17/11/2020
Une déshydratation, même légère, n’est pas sans conséquences. Un manque d’eau de 2 % soit environ 1,5 litre entraîne une chute de 20% des performances physiques et mentales. La consommation d'eau quotidienne à bord peut allègrement dépasser les 5 litres. Le dessalinisateur tourne ainsi à plein régime.
A CORPS TENDU
Chronique du 11/11/2020
La course au large est très exigeante pour le corps et requiert la mobilisation instantanée de toute la puissance physique du corps. Les skippers ont ainsi réalisé en amont une préparation physique spécifique.
MARINE, UN PRÉNOM QUI N'EST PAS UN NOM
Chronique du 04/11/2020
Comment les femmes, qui sont 6 à prendre le départ cette année, trouvent des solutions pour contourner leur puissance musculaire inférieure aux hommes et réussir à être dans le match à armes égales ?
UN VIRUS MAÎTRE DES HORLOGES
Chronique du 28/10/2020
Comment se mène la prévention des skippers, de l'organisation et du public face à la Covid-19 ?
Aller plus loin avec la MACSF
La MACSF a rencontré le Dr Dopsent, médecin référent Covid sur le village, qui explique le protocole mis en place.
MÊME APRÈS HUIT VENDÉE GLOBE, LA TENSION EST TOUJOURS LÀ
Chronique du 21/10/2020
Jean-Yves Chauve revient sur son rôle auprès des skippers depuis 1989 et sa disponibilité 24h/24 pendant la course.